Qacentina blues
A Qacentina (nom turc de Constantine), je vis un voyage étrange, entre deux époques, celle du souvenir et celle de ma quête. Les émotions se superposent. Je suis une étrangère et tout m’est familier.
Dans cette chambre d’hôtel où mon grand-père est mort d’une attaque, je m’installe. Le songe envahit le sommeil. Une date y résonne, celle du 21 décembre 1962, jour où La Dépêche de Constantine annonce en première page «Mort subite du Docteur J. Elbaz».
Chercher. Monter, descendre, arpenter, remonter, redescendre, les lieux se racontent. Images du passé dont il ne reste rien. Traces funestes sur le marbre blanc d’un cimetière qui se laisse dévisager. J’arpente les allées de ces morts, oubliés par le temps lui-même. L’ancêtre s’illumine pour le shabbat, l’imam lance la prière du vendredi soir.
L’île suspendue aux ailes du temps ne craint pas l’éternité. Sur ce banc où s’asseyait mon grand-père, juste l’instant qui nous appartient.
Le Rummel chante Constantine. Roc éternel, désolée et désolante, Constantine se dresse fière et immortelle. Il nous faut nous laver après tant de morts.