Les choses cachées
J’ai toujours voulu être la fille de mon père. L’héritière de son histoire. Je désirais qu’on me reconnaisse ma place dans la lignée des Elbaz, descendants de Rahmin Elbaz, « Baba Aziz », né en 1856 à Khenchela et devenu français à l’âge de 14 ans, qui épousa la fille d’un rabbin strasbourgeois, Rachel Gallico née en 1861. Tous deux sont morts à Khenchela, Rachel en 1943 et Rahmin Elbaz en 1944.
La personnalité des femmes de la famille, en particulier celle de ma grand-mère paternelle Suzanne Zaira Kalifa (1907-1993), a profondément marqué mon enfance. L’amour qu’elle portait à ses fils a dominé sa vie. Sur la photographie, faite en 1926 à Constantine, elle pose avec sa mère Khemissa Allouch née vers 1860 à Constantine.
J’ai grandi dans l’absence de transmission de mon histoire familiale paternelle. Je m’y suis rattachée en comblant ce manque par l’idéalisation de l’arabité, de la terre d’origine, de ses hommes et de ses femmes. J’en négligeais ma culture française.
Mon parcours a été longtemps déterminé par ce manque. Je suis partie en quête, partout sauf chez moi. Je cherchais un accueil, une famille « ailleurs ». Nomade, je me perdais dans de multiples identités, loin de mon point originel. Celui de ma naissance d’une mère catholique et d’un père juif, qui faisait de moi une enfant métisse, à laquelle aucune histoire n’appartenait complètement.