J’accuse
L’œuvre actuelle de Sophie Elbaz, est en quelque sorte une œuvre posthume. Et elle l’est en plusieurs sens. Ses images ont révélé une capacité à parler de choses invisibles, que ce soient, pour aller vite, des théurgies africaines paniquées, ou, ici, un combat au sang et une contamination originaire, intime et violente offusquant à la fois l’image, le regard et la conscience.
Le lent rituel qui permet cette comparution tient à la prolifération – désormais surveillée par Sophie Elbaz, devenue officiante de cette œuvre au noir moderne (qui se fixe d’ailleurs au soleil) – de champignons qui s’en prennent à la gélatine et à la chimie de l’image photographique. Elle rappelle ainsi que l’infra-mince de la pellicule qui accueille et retient la prise de vue, pour aussi invisible et inconsistant qu’il paraisse, est un organisme vivant susceptible de mutation. C’est sans doute le principal apport de cette œuvre à l’histoire de l’image, d’avoir accepté de lui laisser l’initiative de s’associer à des micro-organismes issus d’un sous-sol qui n’est pas le sien.
Le travail présenté, s’articule autour d’une métamorphose, la pièce centrale ; I Accuse. Un homme, Africain, nous fait face alors qu’il se transforme lentement en symbiose avec son environnement changeant. Il est ensuite en partie absorbé, peu à peu effacé par la contamination qui le ronge dans la quatrième image produite suite au long processus de maturation des bactéries.
A travers sa propre transformation, I Accuse symbolise la pollution progressive de l’être humain sur la planète actuelle. Ces quatre images dénoncent aussi l’offense qui est faite à la terre Africaine, décharge de l’Occident.
La série est introduite par L’arbre atomique et fermée par Face au vide.
Arbre atomique non seulement symbolise la Vie mais aussi le Savoir, la Sagesse, menacés d’extinction. En introduction, l’image nous interroge à cet endroit : A quoi sert tout notre Savoir aujourd’hui ? Sommes-nous Sages ?
Face au vide nous invite, face à nos responsabilités, à regarder notre avenir. Alors que le fond se dématérialise, la figure de l’homme face à sa fin, nous rappelle que nous avons encore le choix en tant qu’Humanité.